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  • Photo du rédacteur: Etudiants CJ
    Etudiants CJ
  • 10 déc. 2020
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 déc. 2020

Le titre de cet article vous perturbe ? Rien de surprenant. Vous venez de découvrir l’écriture dite inclusive. Bienvenue dans un monde où J. K. Rowling est l’autrice de la saga Harry Potter, où une préfète n’est plus la femme du préfet mais bien la personne à la tête d’une préfecture, où Anne-Sophie Pic est cheffe cuisinière de renom et où Anne Hidalgo doit être appellée “madame la maire de Paris”.


Écriture inclusive, point médian, féminisation de la langue française, langage épicène… Quèsaco ?


Pas d'inquiétude, nous allons vous exposer les tenants et aboutissants de cette écriture inclusive, et plus largement, de la communication sans stéréotype de sexe ou de genre.


Un petit peu d'histoire pour commencer...

Le passage du latin au français a fait apparaître trois genres grammaticaux : le féminin, le masculin et le neutre. L’évolution du temps a fait qu’à la fin de l’Antiquité, masculin et neutre se rapprochaient jusqu’à se confondre : ainsi, au Moyen-Âge n’existaient plus que deux genres grammaticaux, le féminin et le masculin. A l’époque, même si la langue n’était pas codifiée et que l'on dénombrait bon nombre de dialectes et patois à travers le territoire français, le langage épicène était le plus souvent de mise.


C’est dans un but d’unification du territoire par la langue, que sous l’impulsion de Richelieu est créée l’Académie Française en 1635. Apparaît alors la règle suivante : le masculin l’emporte sur l e féminin. Mais pourquoi le masculin l’emporterait sur le féminin ? Tenez-vous bien, argument solide à l’appui : “le genre masculin étant le plus noble, il doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble”. De quoi faire grincer les dents des femmes…


Dans les années 1970, l’avancée du mouvement féministe pose de plus en plus de questions sur la misogynie de la langue française et sa féminisation réclamée. Le primat du genre masculin est alors de plus en plus critiqué. Paraissent ainsi beaucoup d’ouvrages sur le langage non sexiste.


Mais alors, qu’est-ce que le langage épicène, la communication sans stéréotype de genre ou encore l’écriture inclusive ?


Nous pouvons définir l’écriture inclusive comme l’ensemble de pratiques grammaticales et syntaxiques visant à minimiser toute discrimination sexuelle/sexiste par le langage ou l’écriture. L’idée principale est alors de remettre en question ce postulat du masculin l’emportant (grammaticalement) sur le féminin. Ainsi, l’écriture inclusive prône l’utilisation de termes épicènes et de la règle de proximité, le retour de formes féminines de certains mots, …

Un terme épicène est un terme dont la forme ne varie pas selon le genre (exemples : un volontaire, une volontaire ; un architecte, une architecte).

La règle de proximité veut que soit accordé le qualificatif en fonction du genre du nom le plus proche (exemple : Théo et Marie sont belles ; Sophie et Clément sont blonds).


En 1961, aux Etats-Unis, apparaît le terme “Ms.” (prononcé Mizz) qui ne dit rien du statut matrimonial de la personne qu’il désigne contrairement à “Miss” qui désigne une femme célibataire et “Mrs.” qui désigne une femme mariée. “Ms.” représente donc l’équivalent féminin exact de “Mr.”.

“Ms.” est popularisé en 1971 grâce à la création du mensuel féministe “Ms. Magazine”. La même année, une loi autorise l’usage de “Ms.” sur les formulaires fédéraux.


Choisissez “Miss” et vous voilà condamnée à une immaturité infantile. Choisissez “Mrs.” et vous voilà condamnée à être le bien meuble d’un type. Choisissez “Ms.” et vous devenez une femme adulte pleinement responsable de sa vie” - Eva Kay


En France et sous l’impulsion de Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, la circulaire n°5575.SG du 21 février 2012 a officialisé la suppression des termes “mademoiselle”, “nom de jeune fille”, “ nom patronymique”, “nom d’épouse” et “nom d’époux” des formulaires et correspondances des administrations. 40 ans de retard…


Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a énoncé en 2015 dans un guide pratique “Pour une communication sans stéréotype de sexes” que “la langue reflète la société et sa façon de penser. Ainsi une langue qui rend les femmes invisibles est la marque d’une société où elles jouent un rôle second. C’est bien parce que la langue est politique que la langue française a été infléchie délibérément vers le masculin durant plusieurs siècles par les groupes qui s’opposaient à l’égalité des sexes”. Dans ce guide pratique, le Haut Conseil préconise entre autres l’accord des noms de métiers, de titres, de grades et de fonctions, l’utilisation de termes épicènes, l’usage de la règle de proximité



En 2017, les éditions Hatier ont publié un manuel scolaire à destination des CE2 qui appliquait des règles d’écriture inclusive et notamment celle du point médian en ce qui concerne les noms de métiers, de titres, de grades et de fonctions. Le point médian consiste à écrire un mot genré en utilisant les deux genres, exemple : agriculteur.rice.s, commerçant.e.s

En définitive, le manuel, largement critiqué et controversé, respectait tout bonnement les préconisations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.



En octobre 2017, l’Académie Française évoquait en séance le sujet de l’écriture inclusive. Elle qualifie la pratique “d’aberration inclusive” et juge ainsi la langue française en “péril mortel”. L’institution craint que ce redoublement de complexité de la langue française ne profite à d’autres langues qui “en tireront bénéfice pour prévaloir sur la planète”. Que les membres de l’Académie Française se rassurent, la français est la langue officielle de 29 pays à travers le monde ; le français ne va pas disparaître de sitôt.

Selon Eliane Viennot, historienne de la littérature et critique littéraire, l’Académie Française “mène depuis le milieu des années 1980 une croisade contre la « féminisation », en dépit des besoins langagiers” d'une société où l'égalité des sexes progresse.


Un mois plus tard, la circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal Officiel de la République Française fait des émules. La circulaire énonce les règles à respecter pour les actes administratifs :


  • Les noms de fonctions doivent être féminisés dès qu’il est nécessaire et ce en suivant les : règles édictées par le guide d’aide à la féminisation des noms de métier, titres, grades et fonctions intitulié “Femme, j’écris ton nom…” : “la ministre”, “la directrice”, “la sénatrice”.

  • Les formules inclusives telles que la double flexion sont à privilégier : “le candidat ou la candidate”

  • Le point médian (“candidat.e.s”) est à proscrire dans les actes administratif

  • Et accrochez-vous bien pour la dernière règle, petit retour en arrière de 4 siècles : le masculin est la forme neutre à utiliser pour les termes susceptibles de s’appliquer aussi bien aux femmes qu’aux hommes.

Selon Edouard Philippe, Premier Ministre à l’origine de cette circulaire, le masculin serait une forme neutre. Faux : si le masculin est masculin, nécessairement il n’est pas neutre. Le masculin est l’un des deux genres de la langue française. L’Académie Française, qui déteste tant l’écriture inclusive, reconnaît tout de même qu’il s’agit bien d’une contrainte pour la langue française de n’avoir que deux genres.


A noter : les 40 membres de l’Académie Française sont élus par leurs pairs. Actuellement, seules 5 femmes y siègent.


Et comme tout vient à point à qui sait attendre, c’est seulement en février 2019 que l’Académie Française a déclaré être en faveur de la féminisation des métiers, titres, grades et fonctions.


Dans un monde gangréné par cette règle du masculin l’emportant sur le féminin, on dénombre tout de même quelques bonnes actions comme notamment celle de Tristan Bartolini, étudiant en école d’Art à Genève qui a été récompensé par le prix Art Humanité 2020 pour son invention d’une typographie inclusive. Le projet “L’inclusif-ve” inspiré du caractère “œ” souhaite associer des syllabes et terminaisons masculines et féminines telles que “f” et “ve” ou “r” et “se”.


Alors rassurez-vous, le cerveau est un muscle qui s’adapte très bien aux changements et aux apprentissages. Il saura très vite appréhender les règles de l’écriture inclusive.

Ainsi, si vous arrivez à lire ceci :


Vous saurez lire cela :




Une proposition de loi a été déposée le 28 juillet dernier visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive par toute personne morale publique ou privée bénéficiant d'une subvention publique. Cette proposition tend donc à actualiser la loi du 4 août 1944 relative à l’emploi de la langue française. L’adoption de cette proposition de loi serait l’aboutissement de la circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française.


A noter : L'université de Rennes 1 tente d’utiliser l’écriture inclusive par le biais du point médian dans sa communication sur Twitter et ce notamment pour les termes étudiant.e.s et enseignant.e.s. Un bon début.



Et vous, partant.e.s pour utiliser l’écriture inclusive ?

 
 
 

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