Le procès des attaques de Charlie Hebdo
- Etudiants CJ
- 21 janv. 2021
- 4 min de lecture
Après trois mois d’audience intense, un procès qui n’a pas manqué d’intérêt
Plus de cinq ans après les faits, le procès des attaques contre Charlie Hebdo, une policière de Montrouge et l’Hyper Cacher s’est ouvert durant quatre mois, devant la Cour d’assises spéciale de Paris. Quatorze accusés ont dû répondre de leur soutien logistique aux frères Kouachi et à Amédy Coulibaly.
→ Les faits

Le siège de Charlie Hebdo est attaqué dans la matinée du 7 janvier 2015 par deux hommes lourdement armés, à Paris dans le 11ème arrondissement. Douze personnes sont tuées par balles, dont deux policiers et les quatre dessinateurs de presse Cabu, Tignous, Wolinski et Charb. Les deux terroristes, les frères Saïd et Chérif Kouachi, sont abattus deux jours plus tard lors d'une intervention des forces de l'ordre à Dammartin-en-Goële. Le 8 janvier 2015, Amedy Coulibaly, un Français proche des frères Kouachi, tue par balle une policière municipale et blesse grièvement un employé municipal à Montrouge. Le lendemain, il prend en otage les clients d’une supérettecasher à la porte de Vincennes à Paris et en tue quatre.
→ Qu’est ce que la Cour d’assises spéciale de Paris
Cette cour d’assises spécialement composée, ne réunit que des magistrats professionnels : 7 en première instance, et 9 en appel.
C’est une cour d’assises spécialement composée, qui siège à Paris, qui juge l’ensemble des crimes terroristes commis sur le territoire national. Le ministère public, c'est-à-dire l’Avocat Général qui requiert, peut être le même qu’en première instance : c’est le principe de l’unité et de l’indivisibilité du ministère public.
→ Un procès historique
Avant celui des attentats de janvier 2015, 11 procès ont déjà fait l’objet d’un enregistrement vidéo. Parmi eux, figurent ceux de Klaus Barbie (1987), et des hauts fonctionnaires du régime de Vichy Paul Touvier (1994) et Maurice Papon (1998), accusés de crime contre l'humanité. Le parquet national anti terroriste exerce une compétence partagée avec celle des parquets locaux. Cependant, s’agissant des infractions les plus graves, il dispose d’une compétence spécifique. Dans ce cas, les parquets locaux n’ont pas vocation à engager ou à conduire des enquêtes.
Le procès des attentats de janvier 2015 est le premier procès pour terrorisme filmé «pour l’histoire», comme le prévoit la loi du 11 juillet 1985 voulue par Robert Badinter, alors garde des Sceaux. Ce procès est historique car il est le premier procès d’une affaire terroriste filmée et archivée en France. Sur sollicitation du parquet national anti terroriste, la Cour d’appel de Paris a, en effet, autorisé l’enregistrement de l’ensemble des débats. Il y a eu 200 parties civiles, plus de 90 avocats, de nombreuses semaines d’audience et de débat. Les images seront conservées pendant 50 ans par l’Institut national de l’audiovisuel avant de pouvoir être exploitées librement. Les historiens et scientifiques pourront les consulter, sur demande motivée.
→ Qui est jugé ?

Trois noms sont associés à la folie meurtrière de janvier 2015 : ceux des frères Kouachi, qui ont assassiné douze personnes à la rédaction de l’hebdomadaire satirique à Paris, et celui d’Amédy Coulibaly, qui a tué la policière Clarissa Jean-Philippe à Montrouge, puis exécuté quatre hommes juifs, lors de la prise d’otages de la supérette de l’Est parisien.
Morts lors des assauts des forces de l’ordre, les deux frères n’ont pas été jugés à ce procès. C’est donc 14 accusés qui ont été jugés lors de ce procès historique. Ces derniers ont dû répondre de leur soutien logistique aux terroristes. Ils encourent des peines allant de 10 ans d’emprisonnement à la perpétuité, même si tous ne seront pas présents dans le tribunal : Hayat Boumeddiene, compagne d’Amedy Coulibaly, et les frères Belhoucine, introuvables, sont visés par des mandats d’arrêt en l’absence de preuves de leur mort. Le mandat d’arrêt est défini à l’article 122 alinéa 6 du code de procédure pénale.
→ A quoi a servi le procès ?
Après 48 heures de délibéré, la Cour d’assises spéciale de Paris a prononcé des peines allant de quatre ans d’emprisonnement à la réclusion criminelle à perpétuité à l’encontre des accusés reconnus coupables pour leur rôle dans la préparation des attentats.
Faire droit face aux actes de barbarie
Déterminer les responsabilités
Il est difficile de prouver qui a fait quoi. Qui a fourni les armes ? De l'argent ? Un soutien logistique ? Comment se sont déroulés les faits ?
Les juges ont dû surtout répondre à une question cruciale : à partir de quel degré d'implication peut-on dire de quelqu'un qu'il est complice d'un attentat ? Le procès a pu faire avancer la vérité et a pu révéler des secrets que l'instruction n'a pas réussi à percer.
Justice aux proches des victimes
Ce procès est aussi crucial pour les victimes. Certaines d'entre elles veulent simplement que justice soit faite ; d'autres comptent sur ces journées d'audiences pour continuer à avancer, à se reconstruire. Des survivants sont venus témoigner à la barre. C'est le cas, par exemple, de Lilian Lepère, ce jeune homme qui était resté caché 8 heures et demi sous un évier, sans bouger, dans l'imprimerie où s'étaient retranchés les frères Kouachi, avant d'être abattus par les forces de l'ordre.
→ Répondre à la barbarie par le droit et la raison
Même si les frères Kouachi et Amédy Coulibaly ne sont plus là, le procès des attentats de janvier 2015 est essentiel pour réaffirmer nos valeurs face au terrorisme. Le procès permet donc d’établir une vérité et également de défendre les intérêts de chacun.
→ Décision de la Cour d’assises spéciale de Paris
Mohamed Belhoucine, présumé mort en Syrie et qui était jugé par défaut, a été condamné à la plus lourde peine, soit la perpétuité. L’ex-compagne de Coulibaly Hayat Boumeddiene, en fuite en Syrie, et Ali Riza Polat, ont écopé de 30 ans de réclusion. Amar Ramdani
reconnu coupable d'association de malfaiteurs terroriste criminelle, condamné à 20 ans de réclusion criminelle.
La Cour d’assises spéciale de Paris a écarté la qualification terroriste pour six des onze accusés présents. Les sept magistrats professionnels ont déclaré ces six accusés coupables d’association de malfaiteurs mais n’ont pas retenu la qualification terroriste. Ali Riza Polat a lui été déclaré coupable de complicité des crimes terroristes commis par Saïd et Chérif Kouachi et Amédy Coulibaly.
Nous pouvons citer une autre condamnation, celle de Saïd Makhlouf coupable d'association de malfaiteurs (non terroriste), condamné à 8 ans de prison.
Plusieurs des accusés étaient en récidive légale : Ali Riza Polat, Nezar Pastor Alwatik, Amar Ramdani, Abdelaziz Abbad et Miguel Martinez. Toutes les peines prononcées sont susceptibles d’appel.
Après ce procès, l’affaire Charlie est loin d’être terminée : outre l’appel de Polat et peut-être d’autres, il faudra juger Peter Cherif (ami des Kouachi et possible commanditaire pour Al Qaïda, poursuivi dans un dossier distinct).
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